L’ombre au-delà de l’objet

— Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière. Ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête. La lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux. Entre le feu et les prisonniers passe une route élevée. Imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.
— Je vois cela.
— Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d’hommes et d’animaux, en pierre, en bois et en toute espèce de matière. Naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.
— Voilà, un étrange tableau et d’étranges prisonniers.
— Ils nous ressemblent, répondis-je. Penses-tu que dans une telle situation ils n’aient jamais vu autre chose d’eux mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ?

Extrait de l’Allégorie de la caverne de Platon, livre VII de la République, entre 384 et 377 avant J.-C.

L’ombre est menteuse. Proposez un dispositif : source lumineuse, objet·s, écran qui donne à voir autre chose d’autre que l’ombre portée de ou des objets.

#dispositif #image #ombre #écart

Méthodologie

  1. Collectez quelques objets du quotidien.
  2. Éclairez-les afin d’obtenir leurs ombres portées sur un écran (: support papier, mur, etc.).
  3. Modifiez la source lumineuse, le positionnement des objets, le positionnement du support, afin de rechercher la singularité, l’expressivité, le pouvoir de suggestion de ces ombres.
  4. Fixez la position des objets qui donne à voir une ombre suggestive tout en s’éloignant des formes des objets référents.
  5. Photographiez l’ensemble.

Objectifs pédagogiques

La séquence a pour objectifs d’amener les élèves à :

  • utiliser l’ombre et la lumière pour construire du sens,
  • être attentif aux effets produits par l’expérimentation (déformation, exagération, distorsion, exagération…), être sensible au statut des images, la fabrication des images, leur rapport au réel,
  • saisir que pour une même image, il existe plusieurs représentations et interprétations possibles,
  • comprendre les différents niveaux d’interprétation : esthétique, psychologique, symbolique, poétique, historique, ethnologique de l’ombre.

Questions abordées

En quoi les objets du quotidien peuvent devenir le matériau principal de l’œuvre d’art ? Comment le plasticien peut-il tirer parti des formes d’objets ? Dans quelle mesure les jeux d’ombre et de lumière créent-ils une image pleine de sens ? Quel effet produit l’utilisation de l’ombre et de la lumière dans l’art ?

Références artistiques possibles

  • William Henry FOX TALBOT, Rameau d’Asparagus, vers 1840, photogramme, 22,9 × 18,4 cm
  • MAN RAY, Rayogramme – Pistolet, 1923, photogramme signé et numéroté, 29,5 × 24 cm, BnF, Paris,
  • Làszlo MOHOLY-NAGY, Modulateur-espace-lumière, 1922-1930, métaux divers, plastique et bois, 151 × 70 × 70 cm
  • Christian BOLTANSKI, 7 Bougies – Les Ombres, 1987, cuivre oxydé, fil, étain, argile, aluminium, bougies et cire, 7 éléments de 30 × 31 × 4 cm
  • Shigeo FUKUDA, Lunch with a helmet on, 1987, 844 couverts soudés (fourchettes, cuillères et couteaux en acier inoxydable), 186x × 79 × 108 cm
  • Tim NOBLE Tim et Sue WEBSTER Sue, Instant Gratification, 2001, billets américains de 1 $, pinces métalliques, MDF, formica, Perspex (plaques acryliques), 3 ventilateurs électriques, mécanisme de machine à sous, jetons en plastique, projecteur de lumière, 76,3 × 76,3 × 222,5 cm
  • Fred EERDEKENS, Neo Deo, 2002, matériaux synthétiques, projecteur, 1400 × 400 cm
  • Mounir FATMI, Save Manhattan 01, 2003, livres, élastiques, projecteurs, environ 150 × 90 cm
  • Philippe RAMETTE, L’ombre de moi-même, 2007, installation lumineuse, technique mixte, dimensions variables
  • Claude LEVÊQUE, The Diamond Sea, 2010, dispositif in situ, objets, suspensions, profils découpés en inox polimiroir, lumières (projecteurs LED, lumière noire, projecteurs blancs, boule disco, stroboscope…), diffusions sonores (voix, musiques, bruits), murs peints en noir, Centre Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon, Sète
  • Kumi YAMASHITA, Chair, 2010, une forme découpée, fixée au mur, sert de chaise à l’ombre d’un corps humain qu’elle projette
  • Kumi YAMASHITA, Origami, 2011, 99 feuilles de papier froissé révélant le profil individualisé de 99 personnages grâce à une mise en forme du papier et une lumière rasante
  • Samuel ROUSSEAU, L’Arbre et son ombre, 2012, installation vidéo projetant des ombres portées sur un arbre réel et un écran et retraçant le cycle complet de la vie de l’arbre au fil des saisons

Questionnement(s)

La représentation ; images, réalité et fiction :

  • la ressemblance : le rapport au réel et la valeur expressive de l’écart en art
  • le dispositif de représentation : l’espace en deux dimensions (littéral et suggéré) ; l’espace en trois dimensions (différence entre structure, construction et installation), l’intervention sur le lieu, l’installation

La matérialité de l’œuvre ; l’objet et l’œuvre :

  • l’objet comme matériau en art : la transformation, les détournements des objets dans une intention artistique ; la sublimation, la citation, les effets de décontextualisation et de recontextualisation des objets dans une démarche artistique
  • les représentations et statuts de l’objet en art : la place de l’objet non artistique dans l’art ; l’œuvre comme objet matériel, objet d’art, objet d’étude

Compétences disciplinaires

Composantes plasticiennes

Expérimenter, produire, créer (D1, D2, D4, D5)

  • Choisir, mobiliser et adapter des langages et des moyens plastiques variés en fonction de leurs effets dans une intention artistique en restant attentif à l’inattendu.
  • S’approprier des questions artistiques en prenant appui sur une pratique artistique et réflexive.
  • Recourir à des outils numériques de captation et de réalisation à des fins de création artistique.
  • Prendre en compte les conditions de la réception de sa production dès la démarche de création, en prêtant attention aux modalités de sa présentation, y compris numérique.

Composantes théoriques

Mettre en œuvre un projet artistique (D2, D3, D4, D5)

  • Concevoir, réaliser, donner à voir des projets artistiques, individuels ou collectifs.
  • Se repérer dans les étapes de la réalisation d’une production plastique et en anticiper les difficultés éventuelles.
  • Confronter intention et réalisation dans la conduite d’un projet pour l’adapter et le réorienter, s’assurer de la dimension artistique de celui-ci.

S’exprimer, analyser sa pratique, celle de ses pairs, établir une relation avec celle des artistes, s’ouvrir à l’altérité (D1, D3, D5)

  • Établir des liens entre son propre travail, les œuvres rencontrées ou les démarches observées.
  • Expliciter la pratique individuelle ou collective, écouter et accepter les avis divers et contradictoires.

Composantes culturelles

Se repérer dans les domaines liés aux arts plastiques, être sensible aux questions de l’art (D1, D3, D5)

  • Proposer et soutenir l’analyse et l’interprétation d’une œuvre.

D1 Les langages pour penser et communiquer – D2 Les méthodes et outils pour apprendre – D3 La formation de la personne et du citoyen – D4 Les systèmes naturels du monde et l’activité humaine – D5 Les représentations du monde et l’activité humaine


*Photographie de Ron LACH – pexels.com


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